Pour se comprendre et interagir dans la société, une communauté se sert de ses doigts et de ses yeux. Cette méthode est la langue des signes, qui se parle sur tous les continents de la Terre. Il urge de connaitre l’historique de cette langue dans notre pays le Bénin.
La langue des signes dans le monde
L’abbé de l’Épée de son vrai nom Charles Michel de l’Épée (1712-1789) est resté gravé dans l’histoire de la langue des signes parce qu’il est le premier à avoir mis en place une école pour les personnes sourdes. L’enseignement y était basé sur la langue des signes qui est une langue créée par les sourds eux-mêmes. Après la mort de l’Abbé, ses successeurs ont pris la relève, ce qui a permis la floraison de la culture sourde au 19e siècle.
Une querelle éclata ensuite entre les professeurs des personnes sourdes formant deux parties à savoir les oralistes et les gestualistes. Les oralistes d’une part concentraient uniquement leur enseignement sur la parole, forçant ainsi les sourds à articuler des mots. Les gestualistes d’autre part basent leur enseignement sur la culture des sourds et la langue des signes.
Le gouvernement français accompagne les oralistes lors du congrès de Milan. Ce qui apporte comme conséquence directe l’interdiction formelle de la langue des signes en France et la méconnaissance de la langue des signes par la nouvelle génération des sourds. Les professeurs gestualistes ont alors été congédiés du continent.
Pendant que ces décisions sont prises sur le continent français, les Américains qui cherchaient des méthodes d’enseignement pour les sourds trouvent l’opportunité de créer la première école américaine qui forme les sourds. Le révérend Thomas H. Gallaudet descend à Paris en 1816 et repart avec Laurent le Clerc, un célèbre professeur sourd congédié par la France.
Ce dernier installe un enseignement adapté du modèle français. Il est important de notifier qu’avant son arrivée, les personnes sourdes américaines signent déjà, mais les mieux éduquées à partir de 1820 furent celles qu’il avait formées. Il devient ainsi le premier professeur en langue de signe aux USA.
Pendant cette période post congrès de Milan, les Américains ont beaucoup investi dans l’éducation des sourds en l’occurrence pour la langue des signes. Cela explique aujourd’hui le positionnement de l’Amérique dans l’éducation des personnes sourdes, car elle dispose de la meilleure école au monde et aussi des meilleurs documents.
La langue des signes la plus parlée et la plus développée à travers le monde est celle des Américains (ASL) même en Afrique. L’Afrique francophone n’échappe pas non plus à cette domination du ASL.
Lors du 6e Congrès de la Fédération Mondiale des sourds tenu à Paris en 1971, les Français ont pris connaissance des richesses de la langue des signes et de son importance dans l’éducation des personnes sourdes. En 1990, la France a donc reconnu la langue des signes.
La langue des signes en Afrique

Nous savons tous que les États-Unis d’Amérique n’ont pas été engagés dans la colonisation de l’Afrique au 19e et 20e siècle. On se demande donc comment l’ASL s’est répandue en Afrique.
Cette diffusion sans l’aide de la colonisation a eu lieu grâce à Andrew FOSTER. Il est devenu sourd à l’âge de 11 ans en raison d’une méningite cérébrospinale. Andrew FOSTER a lutté courageusement contre son sort et est parvenu jusqu’au célèbre, devenant ainsi le premier noir de cette institution.
FOSTER dont les parents sont chrétiens reçut aussi une solide formation chrétienne. C’est après son diplôme qu’il a commencé à penser à penser à ses frères sourds d’Afrique noire qui étaient sans éducation.
Il a fondé la Mission Chrétienne pour les Sourds (Christian Mission for the Deaf [CMD]) et a travaillé dans plusieurs pays africains pour instaurer et répandre la scolarisation et la Chrétienté pour les personnes sourdes. Il est souvent appelé « le père de l’éducation des sourds en Afrique. »
Il est reconnu comme étant la personne à avoir fondé le plus d’écoles pour les personnes sourdes dans le monde. Il est mort en 1987 pendant sa tournée annuelle dans un accident d’avion au Zaïre.
La première de ses écoles a été fondée en 1957 à Accra au Ghana à la même année où ce pays a obtenu son indépendance. La CMD a fondé au total 31 écoles pour les sourds dans 13 pays. Elle aussi a fondé les églises et des écoles du dimanche dans quatre pays.
Pour enseigner dans ces écoles, les signes de l’ASL étaient montrés par les enfants et les phases en français étaient écrites au tableau par l’enseignant. Le français écrit et les signes empruntés de l’ASL étaient utilisés ensemble dans les classes de la CMD.
Le réseau des écoles de la CMD est dans la plupart des grandes villes en Afrique de l’Ouest et du Centre, comme Accra (Ghana), Ibadan (Nigeria), Abidjan (Côte d’Ivoire), Ouagadougou (Burkina Faso), Cotonou (Bénin), Lomé (Togo), Dakar (Sénégal), N’Djamena (Tchad), Bangui (République de Centrafrique), Kinshasa (République Démocratique du Congo), et Libreville (Gabon).
Nous constatons donc que plus de 50 % des écoles sont dans les pays francophones de l’Afrique ce qui explique l’influence de la ASL sur la langue des signes de ces pays ayant comme langue principale le français malgré l’existence de la Langue des Signes Française (LSF).
La langue des signes au Bénin
L’École Béninoise pour les Sourds (EBS) est la première école des sourdes créée le 14 mars 1977 par le gouvernement Béninois suite à la demande de Andrew FOSTER au conseil des ministres du Général Mathieu Kérékou en février 1977.
Cette école fut logée dans les locaux du Centre d’Enseignement Ménager à Gbéto — sud en plein centre de Cotonou sous la direction le doyen Célestin WOWO qui a été formé à IBADAN et aux États-Unis au Gallaudet College à Washington.
Ce centre a connu des enseignants sourds comme Victor VODOUNON, Abou AHOE, Norbert DOUFODJI, etc.
L’École Béninoise de Sourds est transférée à Vèdoko. Elle est restée seule et unique école pour sourds au Bénin pendant vingt ans. À ce jour nous avons plusieurs écoles privées et publiques du niveau maternel au collège pour l’éducation des Sourds.
En 2008 l’ONG ASUNOES-Bénin s’est donné pour mission de faire reconnaître la langue des signes comme une langue officielle à l’instar de plusieurs pays dans le monde entier. Cependant, ce projet de reconnaissance n’a pas été concluant pour plusieurs raisons.
Le Bénin a décidé de faciliter l’accès à la communication à la communauté sourde par sa chaine nationale ORTB. L’émission « Le digital » a commencé avec l’interprète en langue des signes et militante du droit des personnes sourdes SAGBO Flavienne.
Cette émission consiste à faire un résumé du journal de la semaine et quelques cours en langue des signes. Madame Flavienne intervenait aussi sur l’émission santé « Portez-vous bien ». L’émission « le digital » devient « Les mains qui parlent ».
Après son décès l’émission « Les mains qui parlent » continue avec Eriyomie Thimothé, en plus de cette émission qui se passe les mercredi et samedi à 11 h 30 nous avons aussi le journal de 20 h qui est en langue des signes sur la chaine nationale du Bénin.
De nos jours, plusieurs acteurs à divers niveaux font bouger les choses dans la communauté des personnes sourdes au Bénin. Toutefois, nous souhaitons tous la reconnaissance officielle de la langue des signes au Bénin.
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